Un peu d'histoire

Situé sur le littoral atlantique entre La Rochelle au sud et Luçon au nord, le marais poitevin est le plus grand marais anthropisé de l’Ouest. Son territoire s’étend pour sa plus grande partie en Vendée, puis en Charente maritime et Deux Sèvres.

Il y a deux millions d’années, à la fin du tertiaire, l’espace actuel du marais poitevin est occupé par une plaine jurassique de faible altitude, constituée de marnes, de roches tendres, mêlant argile et calcaire. Cette plaine offre peu de résistance quand la mer tente d’y pénétrer durant les variations de température du quaternaire.

Au cours de cette période, les glaciations permettront de tracer de puissants fleuves et les fontes des glaciers font remonter le niveau de la mer.

Il y a 8000 ans la fonte des calottes glaciaires entraîne une ultime remontée des eaux, c’est la transgression flandrienne.

Un golfe marin occupe l’espace actuel du marais poitevin. Les eaux ont néanmoins rencontré des zones calcaires plus solides qui dessinent une ligne de petites îles, d’ouest en est, ou des falaises en bordure de rivage.

Progressivement les courants apportent de fines particules qui vont, en se déposant, créer le bri ou argile à scrobiculaires, car il renferme des coquilles de « scrobicularia plana ». Ces dépôts se poursuivent et contribuent à la lente fermeture de la baie de l’aiguillon.

Au néolithique, l’homme est bien installé sur le rivage et profite d’une nourriture abondante : poissons, coquillages, oiseaux…Durant cette période les dépôts de bri sont plus importants. Certains ne sont plus recouverts que lors des périodes de grandes marées et sont colonisés par des plantes supportant le sel (salicorne).D’autres vont fermer des poches alimentées  par les rivières continentales. A la fin du néolithique (3500 ans), le bri comble le marais et même les plus hautes marées ne peuvent le recouvrir. Les fleuves prennent alors la relève, ils déposent leurs alluvions créant de nouvelles conditions à l’installation de nouveaux types de végétations. Cette flore modifie le milieu. Il y a 2600 ans les débris de ces végétaux vont produire la tourbe, et ce, jusqu’au début du XIXème siècle.

Dès l’âge du bronze, de 2000 à 800 ans avant J.C, des villages de pêcheurs bordent le marais. A l’époque gallo-romaine, le golfe est appelé »golfe des pictons » ou Lac des deux corbeaux. Très vite, la nécessité de se protéger de la mer apparaît et des digues sont construites. Pour hâter le dessèchement des canaux sont creusés pour favoriser l’écoulement des eaux. La colonisation du marais se poursuit dans le même temps. Les romains y avaient installés les Scythes et les Teifales, mercenaires à la solde des consuls. Le moyen âge voit localement l’avènement des Colliberts.

Les grandes invasions vikings au IX ième siècle bousculent le caractère hétérogène des populations locales. Certains fuient les massacres et se réfugient dans les roselières, habitant dans des huttes. Ils vivaient de pêche et de chasse.

Dans d’autres parties moins hostiles se développent les abbayes. A la fin du XI ième siècle, les ébauches de drainages donnent lieu à des cultures ; mais le XII ième siècle va apporter un nouvel aspect. Des digues sont érigées et des canaux tracés : Le Booth neuf (1199), le Booth de Vendée (1210), puis les cinq abbés(1217) œuvre des cinq abbayes de l’Absie, Saint Maixent, Maillezais, Saint Michel en l’Herm, Nieul sur l’Autise.

Les travaux des moines seront détruits durant les guerres de cent ans et de religion.

A l’issue du conflit, Henri IV cherche des reconstructeurs. En 1599, la nomination de HUMPHREY BRADLEY, ingénieur hollandais, en tant que maître des digues et rivières du royaume, permet d’apporter le savoir-faire et les capitaux nécessaires. Il  mettra en place, malgré les propriétaires, des portes à flots. La reprise des conflits religieux et la mort de BRADLEY, laissent les travaux inachevés. Ils seront repris par Pierre SIETTE, ingénieur et géomètre de LOUIS XIII. Des grands communaux sont créés, vastes pâturages collectifs, en vue de maintenir les populations. Sur les levées sont construites des huttes.

Tous ces travaux ne concernent que la partie proche de la mer. L’endiguement barre l’écoulement des eaux pluviales vers la mer et augmente la durée des inondations. En rétrécissant le lit de la Sèvre Niortaise, les dessècheurs ont condamné à de longues crues la partie EST des marais ; de MAILLE à MAGNE justifiant l’appellation de marais mouillés, qui sert de zone tampon et de réservoir au marais desséché. Les habitants y vivent de pêche et de chasse, de culture maraîchère ; sur les terrains émergeants (les mottes), ils cultivent le haricot, les fèves, le chanvre et le lin. Ils plantent des terrées pour le chauffage, vergne pour les sabots, tonneaux etc.…

Au XIX ième siècle l’Etat intervient dans les marais mouillés. NAPOLEON Ier en septembre 1807 fixe les conditions de dessèchement et d’endiguements. En mai 1808 un décret réglemente la navigation et l’usage de l’eau. Il autorise l’approvisionnement par 16 bondes.

En 1833, LOUIS PHILIPPE crée le syndicat des Marais Mouillés. De grandes rigoles sont creusées : la Garette en 1845, le canal du Mignon, la rigole du Mazeau. La canalisation de l’Autize en 1833, élargissement du canal du Sablon et du nouveau Béjou en 1836, canal de la partie inférieure du Mignon et curage de la Sèvre entre l’Autize et Bazoin en 1844. Tous ces travaux conduisent au partage de leur entretien. Les fossés aux propriétaires, les conches aux communes, les plus grands canaux aux syndicats ou à l’Etat.

Les travaux ont pour conséquence directe un écoulement plus rapide des eaux. A partir de 1850, 8 barrages sont construits sur la Sèvre et 4 sur le Mignon. En 1862, Evrard, ingénieur des ponts et chaussées, lance un projet d’aménagement et d’approfondissement de la Sèvre, afin d’augmenter son débit. D’autres travaux tentent d’améliorer la circulation de l’eau. Redressement de la bonde des Jourdains, élargissement de la Sèvre, du canal des Sablons.

Ces aménagements conduisent à une nouvelle utilisation des terres. La partie EST devient la Venise Verte. Les peupliers prennent leur essor, les roselières disparaissent pour laisser place aux pâturages et la « mogette ». Les scieries apparaissent en 1875.

Néanmoins les crues persistent. Les marais mouillés 16500 ha sur les 96000, reçoivent les eaux de pluie d’une région 14 fois plus grande. Un véritable entonnoir. En 1933, GLASSER, ingénieur des ponts et chaussées, esquisse un projet qui aurait pu apporter une solution en créant deux réseaux distincts : Un réseau des hautes eaux destiné à évacuer les eaux des bassins versants directement à la mer et un réseau des eaux basses à l’intérieur des marais. En 1965, TALLUREAU, propose un projet pharaonique, refusé également. Il consistait à la fermeture de la baie pour en faire une réserve d’au douce.

En 1979, conscient de l’importance de l’écosystème que représente le Marais Poitevin, est créé le Parc Naturel Régional du Marais Poitevin. C’est hélas, sans compter sur la mise en application de la Politique Agricole Commune qui privilégie les cultures intensives. Attirés par les subventions substantielles qu’apporte l’Europe, l’agriculture délaisse peu à peu l’élevage pour se tourner vers les cultures céréalières. Une grande partie des terres sont retournées. Les marais mouillés sont drainés, asséchés, les niches écologiques sont progressivement détruites et la biodiversité liée à l’anthropisation en mort lente. En 1997, le label PNR est supprimé.

Désormais le Syndicat Mixte initié par les régions (Pays de Loire et Poitou-Charentes) et départements (Deux-Sèvres / Charente Maritime et Vendée) concernés œuvrent à la réconciliation des usages pour permettre à terme la reconquête de cette labélisation pour la deuxième zone humide de France après la Camargue.

Le Marais Poitevin se voit attribué  en mai 2010 le label « GRAND SITE DE FRANCE » et en juin 2010 celui de « DESTINATION TOURISTIQUE EUROPEENE D’EXCELLENCE ».

Noël GERMANEAU
Membre du Comité National de l’Eau, représentant des usagers